L’« Appel pour des forêts vivantes »
L’« Appel pour des forêts vivantes » est un collectif, qui a lancé les 16 et 17 octobre dernier, une année de mobilisation en France ; le signe d’une réappropriation citoyenne face à la foresterie industrielle, se réjouissent, dans une tribune au « Monde » du 15 novembre, plusieurs personnalités dont le philosophe Baptiste Morizot, le paysagiste Gilles Clément et le botaniste Francis Hallé, membres de l’Appel.
Ce 2 août paraissait, dans plusieurs médias, l’« Appel pour des forêts vivantes », qui propose d’engager, dès maintenant, une année de mobilisation pour les forêts françaises. Cet appel réunit une multiplicité d’acteurs et de rapports à la forêt, contre un adversaire commun : la malforestation des foresteries industrielles. On trouve, dans cet appel, des collectifs citoyens, des exploitants forestiers alternatifs, des associations, des habitantes et habitants, des collectifs militants, des fonctionnaires de l’Office national des forêts (ONF) qui refusent le productivisme. Des gens pour qui une forêt, et la manière dont elle est traitée, cela importe.
L’« Appel pour des forêts vivantes » émane d’un mouvement encore souterrain mais puissant aujourd’hui : la réappropriation citoyenne du soin envers les écosystèmes qui nous abritent. Un « reclaim » [une régénération] de la défense du tissu du vivant.
TET soutien cet appel, parce que cette prise en charge par les citoyens signe le début d’une métamorphose majeure : c’est la réappropriation d’une mission qui avait été cantonnée aux Etats, enferrés dans des collusions graves avec les lobbys de la destruction. Ici, c’est chacun-e qui affirme qu’il est tissé à son milieu, qui défend l’interdépendance entre lui et son paysage multispécifique. L’affect fondateur de ce mouvement tient en quelques mots : on ne se laissera plus confisquer le soin de nos milieux de vie − nous sommes le vivant qui se défend.
La seconde dimension importante de cet appel est la pluralité des approches de la forêt qu’il met en relation. L’alliance est ouverte à une multitude d’usages et de pratiques, et ce qui l’anime, c’est d’abord de lutter contre un ennemi commun. L’adversaire de la forêt, c’est la foresterie industrielle « et son monde » : c’est-à-dire l’extractivisme, incarné par les exploitants héritiers de l’idéologie suivant laquelle les forêts sont d’abord des réserves de matière à notre disposition, des espaces de pure production dont il faut optimiser le rendement. Ce sont tous ceux qui réduisent les massifs forestiers à des usines à bois en épuisant l’humus, en fragilisant les sols, en réduisant des milliers d’hectares de forêts diversifiées à des plantations monoculturelles de résineux qui ne sont accueillantes ni pour la biodiversité ni pour les habitant-es.
Mais toute exploitation n’est pas destruction : il existe des formes de « sylvicultures douces » qui s’inspirent des dynamiques forestières tout en reconnaissant la valeur du bois, dans des logiques économiques qui ne sont plus hors-sol mais reliées à des enjeux sociaux et locaux, de soin envers le travail et les savoir-faire des bûcherons, des forestiers et des artisans. Cette exploitation soutenable, de type « futaie jardinée », avec des arbres diversifiés en âge et en essence, respectueuse des dynamiques propres à la forêt, est défendue, par exemple, par la charte du Réseau pour les alternatives forestières (RAF).