Hommage à Bernard Schaeffer

Hommage à Bernard Schaeffer

Nous avons la triste et douloureuse tâche de vous annoncer le décès de notre ami et camarade Bernard Schaeffer, survenu le 28 octobre dernier.

L’une de ses enquêtes, menée avec l’aide de notre ami & président de TET, Daniel Wal­ter – décédé en septembre de l’an dernier – por­ta sur un pro­jet décrié de construc­tion d’une usine de retrai­te­ment de déchets de métaux non ferreux à Malmerspach, mal nommée Cyclamen. La majo­ri­té de la popu­la­tion était contre ce pro­jet mais ne trou­vait pas de relais média­tique pour faire part de ses arguments.

Bernard publia un article dans L’Alterpresse68 (https://www.alterpresse68.info/ ) pour don­ner la parole à celles & ceux qui ne sont pas enten­dus (les riverains), avec une ana­lyse appro­fon­die du pro­jet mais aus­si de l’industriel, qui connais­sait des déboires par ailleurs… Au final, face à la mobilisation croissante de la population & de TET, dont en particulier l’article de Bernard (https://mailusine.fr/?s=cyclamen/), le PDG recycleur abandonnait son projet d’installation dans la vallée de la Thur.

Bien des années auparavant, Bernard Schaeffer, syndicaliste à la CFDT, faisait connaissance avec Daniel Walter, ensemble et avec d’autres camarade – et après avoir été évincé de son syndicat pour s’être opposé alors au «recentrage» de la confédération; en clair, à sa droitisation, dans un contexte où, à gauche, s’amorçait l’ère des renoncements, des lâchetés et des trahisons.

C’est suite à cette péripétie que quelques années plus tard il cofondera d’abord Renouveau Syndical 68 puis A Contre-Courant (http://acontrecourant.org/a-propos/). Durant les vingt-cinq ans de cette entreprise collective, Bernard en a été une des chevilles ouvrières, à plus d’un titre. C’est chez lui que nous nous réunissions, autour d’une table généreusement garnie par ses soins. Il en a été le secrétaire de rédaction, nous poussant à rédiger les articles et agençant le bulletin; mais aussi le secrétaire tout court, en répondant au courrier que nous recevions, en cogérant le fichier des abonnés et en assurant le routage du bulletin; tout en assistant Annette et Daniel Walter.

Dans toutes ces tâches collectives, il a manifesté une bonne humeur constante qui contrastait avec la colère qui le saisissait par moments lorsqu’il évoquait les mille et une situations d’oppression contre lesquelles nous nous élevions. Ce qui était peut-être le plus remarquable, c’est sa détermination dans les luttes. Il en a notamment fait preuve pendant la dizaine d’années durant laquelle il a bataillé sur le plan juridique pour faire reconnaître l’arbitraire de sa mutation disciplinaire de Wittenheim à Mulhouse sous la pression du député gaulliste du coin, qui mérite encore tout notre mépris. Et il l’a également manifesté dans une guérilla épistolaire constante, à propos du routage d’A Contre-Courant, entretenue avec une administration de la Poste s’acharnant à étrangler financièrement la presse militante.

Parallèlement à son engagement dans ACC et en pleine cohérence avec ce dernier, Bernard a été de toutes les mobilisations militantes sur Mulhouse et ses environs. Il a ainsi impulsé le groupe local Ras l’Font dans les années 1990 ; pris part à la mobilisation des chômeurs et précaires en 1997/98 et aux actions du DAL dans les années suivantes ; il a été l’âme du collectif mulhousien pour l’abolition de la dette publique après la crise financière de 2007-2009 ; etc. Et il a bien évidemment pris activement part à tous les temps forts du mouvement social de ces trois dernières décennies : en 1995, 2003, 2010, 2016 et jusqu’au printemps dernier. Sans oublier son activisme en tant qu’opposant municipal hors des cadres politiques, connu et redouté, ce qui ne l’empêchait pas de promouvoir le vote nul, une cause qui lui était chère.

Une fois l’aventure d’ACC close, il a continué à militer dans différents cadres, notamment celui de L’Alterpresse 68. Il s’y est engagé dans la lutte contre Stocamine, ce projet criminel d’enfouissement de déchets dans les anciennes mines des MDPA, qui menace la nappe phréatique de la plaine d’Alsace. Et il a cherché à attirer l’attention des pouvoirs publics contre le danger potentiel que représente l’usine Borealis d’Ottmarsheim, un nouvel AZF en puissance. Et, déjà malade, fin juin, il a encore pourtant tenu à participer à la première rencontre des Soulèvements de la Terre 68, témoignant ainsi que la lutte pour le droit du travail et le droit social ne devait pas se séparer des combats contre les atteintes de plus en plus graves aux conditions naturelles de l’existence humaine.

Le combat contre l’oppression capitaliste multiforme et pour un avenir socialiste que nous avons mené ensemble avec Bernard se poursuit. Dans ce combat, son souvenir continuera à nous soutenir par-delà la peine que nous vaut son départ.

Les commentaires sont clos.