Extractivisme
Carrière de Ternuay : première victoire des opposants
Le Tribunal Administratif (TA) de Besançon, le 19 décembre 2017, suite à l’appel en référé déposé par l’Association de sauvegarde des 1 000 étangs, a ordonné la suspension de l’arrêté du 7 juillet 2017 de la préfète Lecaillon, pour les raisons principales suivantes :
– insuffisance de l’étude d’impact qui omet de mentionner la présence à proximité du projet d’une exploitation maraîchère ;
– insuffisance des garanties financières offertes par La Société des Carrières de Ternuay, le coût des travaux de remise en état en fin d’exploitation étant supérieur au capital social.
Désireuse de développer sa production de granulats, la dite société, regroupe en fait trois entreprises, qui tiennent avant tout à leur pérennité, et non à l’argument fallacieux de besoins locaux pour un (ré)aménagement des voies publiques. Elles ne s’embarrassent ni de l’environnement ; le site étant au beau milieu d’une zone Natura 2000, ni des villages et hameaux, qui souffriront des nuisances que produiront les explosifs, des machines à concasser, des engins et des incessants va et vient des PL de 42 tonnes.
Le projet est situé dans la haute vallée de l’Ognon (Dtp 70), à environ 17 km au nord‐est de Lure, 12 km au sud‐ouest de Le Thillot (88) et 21km à l’est de Luxeuil Les Bains, au bord de la route départementale 486. Le fond de la vallée est occupé par des hameaux, des scieries, une production maraîchère… Les infrastructures routières, les prairies… se situent à une altitude de 392 m NGF (nivellement général de France). Les coteaux sont un siège de boisements. Le projet se situe en partie à flanc de coteau, dans le Bois de Fagramme, sur une ancienne zone d’exploitation : une ancienne carrière qui n’est plus exploitée depuis 1936. Elle connue son apogée entre 1916 et 1922 : l’armée française y faisait trimer à marché forcée ses prisonniers de guerre.
Si le projet abouti – car seul le référé a suspendu le projet, le TA doit encore juger sur le fond – les impacts seront nombreux :
– une montagne à moitié aplanie avec destructions de la faune et la flore classées et protégées ;
– des nappes phréatiques contaminées (résidus d’exploitation et radon présent dans les cavités de la roche vosgienne…) ;
– présence d’uranium (risque non évalué mais réel car un projet d’exploitation a existé dans les années 60 et les promoteurs du nucléaire ont abandonné l’idée face à la mobilisation d’alors) ;
– surcharge du réseau routier liée à l’activité non adaptée (commerces et écoles en bord de route), avec une dégradation de la chaussée et une accentuation accidentogène ;
– destruction progressive du tissu économique local avec risque de perte d’attractivité du secteur touristique (Mille étangs et Ballons des Vosges…).
Une fois encore, intérêts privés et élus locaux, peu scrupuleux passent outre la loi sur l’environnement et exploitent la nature, en laissant à la collectivité payer les dégâts occasionnés. Encore une zone Natura 2000 prête à être rayée de la carte. Après avoir fait bétonner la Planche des Belles Filles… 1 148 m d’altitude pour assurer une étape du Tour de France, cette pollution sera la principale responsable de la disparition du grand Tétras sur un site de reproduction.
Ce projet de carrière, extraction de 200 à 250 000 tonnes/l’an durant 30 ans, avec concassage et centrale à béton, ne répond à aucun besoin avéré pour la région. Soit sur les trois décennies ; six millions de tonnes, égale à 2 280 000 m2. Il est à noter que pour la centrale à béton aucune étude n’a été menée, le projet stipulant simplement la possibilité d’existence de cette centrale. Son existence réelle serait simplement assujettie à un avenant au contrat actuel.
Voici le premier contre-sens : en effet pour le citoyen lambda, la carrière de Ternuay doit remplacer les sablières de Lure qui ne seraient plus dans la norme !!! Du moins, c’est le discours que tiennent les affidés à ce projet. Mais, dans la réalité, le caillou n’est pas comparable et permettra plusieurs usages : roche volcanique ; keratophyre. Minéral extrêmement dense et dur, permettant aussi bien de produire un béton spécial, un tout-venant et un enrobé pour les chaussées, qui vieilliront plus longtemps paraît-il. Selon l’entreprise, les besoins pour les routes départementales n’utiliseront pas plus de 100 000 tonnes/l’an. A supposer, la région aura t’elle toujours les budgets pour la rénovation de ses voies d’accès, il faut en douter au constat des caisses publiques qui s’amenuisent d’année en année. Aussi les 150 000 tonnes restant à minima partiront hors région, voire à l’export !
Deuxième contre-sens, il a été présenté comme un projet de remplacement pour faire plier les résistances : la mobilisation des riverains avait permis l’abandon d’un projet similaire il y a 10 ans. Mais, à la vérité, les actionnaires de grands groupes se frottent les mains. Maires avoisinants et préfecture de la Haute-Saône ont donné leur accord ; « c’est bon pour l’emploi… ». Notons aussi que les représentants de l’ONF ont signé sans sourciller leur accord pour le projet.
Troisième contre-sens, central : la véritable défense de la nature. Les organisateurs des COP (conférence pour le Climat) passées et « à venir » n’ont qu’un but : faire culpabiliser les particuliers pour le prix du manquement industriel. Alors qu’il en coûterait au citoyen, si par exemple, une brigade verte le surprend à allumer un feu de brindilles dans une zone Natura 2000. Rappelons qu’un demi-tour en voiture sur un chemin de terre est punissable.
La mobilisation continue
Suite à la décision du TA en référé, tous les travaux sur le site sont interdits. C’est une première victoire, même s’il faut attendre le jugement sur le fond, à savoir la contestation des trois décisions préfectorales : l’autorisation de défrichement, la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées et l’autorisation d’installations classées contraires à l’environnement. Cette (petite) victoire renforce la détermination des opposants à ce projet inutile, à poursuivre la lutte. Pour l’heure, la vigilance est de rigueur pour vérifier que les travaux de défrichage ne se poursuivent pas et pour tenter de compléter le travail d’inventaire des espèces protégées, qui est largement insuffisant.
La société a fait appel en Conseil d’Etat. Plusieurs hypothèses judiciaires sont envisageables :
– le Conseil d’Etat n’admet pas le pourvoi de la société au motif qu’il n’existerait aucun moyen d’entraîner la cassation de l’ordonnance rendue ;
– avant que le Conseil d’Etat ne se prononce sur l’admission au pourvoi, le TA statue sur le fond, le pourvoi est alors sans objet ;
– le pourvoir est admis, il faut un avocat plaidant au Conseil d’Etat.
L’heure est donc à constituer une réserve financière, les frais de justice étant très élevés. Un appel à contribution est lancé par l’association de sauvegarde des 1 000 étangs. « Cesser de se battre, c’est être battu à coup sûr ! Elle propose d’ouvrir une souscription déposée sur un compte particulier, restituable s’il n’y a pas la nécessité d’engager ces frais.
Les dons sont à adresser, par chèque libellé au nom de « Association de sauvegarde 1000 étangs » à : Françoise Marlier, la Bergerie – 70290 Belfahy
Qui sont réellement les extractivistes
La société des carrières de Ternuay (SCT) : créée en 2004 à l’initiative de la SARL Valdenaire et STPI, dans la perspective d’acquérir les terres (13,3 ha) et l’autorisation d’exploiter une carrière (7,7 ha pour débuter) à flanc de montagne, située à Ternuay-Melay-Saint-Hilaire, lieudit Outre l’Eau et Fragramme. Elle s’est constituée société par actions simplifiée (SAS) : cadre juridique offrant un allègement des contraintes, notamment en matière de fonctionnement interne défini essentiellement par les associés et non par la loi. Elle exerce ses activités dans les domaines de gestion administrative et commerciale de production sable et granulats. Présidée depuis 2013 par M. Laurent Delafond la SCT associe trois entreprises. La société des Granulats de Franche-Comté (GDFC), actionnaire majoritaire détenteur de 55% des parts, la SARL Valdenaire Frères détenteur de 22,5 % des parts et la Société Générale des Entreprises (SGE, une holding regroupant les participations de STPI, STPI ROUTE, SBI, EVI et en assurant l’unité de direction) détenteur de 22,5%. Ces deux dernières œuvrent dans l’industrie des travaux publics.
Une telle structure actionnariale octroie la pleine gestion de la société à la GDFC (propriétaire de plus de moitié) qui affirme appliquer sa politique globale ; les associés quant à eux, ne disposant pas d’une minorité de blocage, ne peuvent compter sur le bénéfice d’opposition. Une véritable dictature, un modèle éprouvé pour la GDFC qui a ainsi noué plusieurs partenariats dans la région. Il est donc nécessaire pour mieux connaître la SCT de s’intéresser davantage à la GDFC.
La GDFC est créée en 2005, c’est à Chenove, en Côte d’Or, qu’elle élut domicile. Elle entre au capital de la SCT en 2010 à la suite d’une première demande d’exploitation soldée par un refus. Le TA de l’époque évoquait une incapacité technique et financière, une aubaine pour la GDFC disposant alors d’un capital de plusieurs millions d’euros. Elle compte aujourd’hui 14 établissements à son actif, exploite les sols de 12 carrières, toutes en Franche-Comté, et place à sa tête ce même Laurent Delafond (qui de surcroît accentue les décisions unilatérales au sein de la SCT).
La société aux connotations locales dissimule en réalité des multinationales. La première Eqiom, actionnaire majoritaire propriétaire de 60% des parts est une filiale du groupe CRH (Cement Roadstone Holding) basé en Irlande. L’un des leaders mondiaux des matériaux de construction, implanté dans 31 pays sur 4 continents, coté aux bourses de Londres, Dublin et New York. La seconde Eurovia, propriétaire à 40%, implantée dans 16 pays pour une moyenne de 40 000 chantiers par an est une filiale du groupe Vinci. Vinci qui lui laisse en mémoire ses deux prix Pinocchio (prix décerné aux entreprises les plus fallacieuses de l’année) 2011 et 2012 pour causes environnementales et sociétales.
Nous accepterons pas que la SCT, vulgaire rouage, dernier maillon d’une chaîne appartenant aux géants du secteur, impose sa loi du fric et du mépris environnemental ?
Jano Celle, le 7 mars 18.
Sources : Fabrice Marchal, Gérard Deneux, Romain Ménigoz : articles parus dans Pour l’émancipation sociale.
La SCT : http://www.haute-saone.gouv.fr/content/download/11479/93223/file/TERNUAY%20RNT.pdf
**************************************
Déchets de mines et carrières : la réglementation française mise en conformité
De < stopmines@lists.riseup.net >
Déchets de mines et carrières : la réglementation française mise en conformité.
Un décret, publié le 25 avril 2017, met en conformité la réglementation française avec la directive européenne du 15 mars 2006 relative à la gestion des déchets de l’industrie extractive. Paris a en effet été mis en demeure par la Commission européenne en février dernier pour mauvaise transposition de ce texte.
Les modifications apportées portent sur l’impact des déchets sur les eaux et sur les sols, sur le contenu du plan de gestion des déchets et du dossier de demande d’autorisation, ainsi que sur la conservation par l’exploitant des rapports de surveillance.
Ce texte modifie le décret du 12 novembre 2010 qui vise les déchets miniers, ainsi que l’article D. 181-15-2 du code de l’environnement relatif à la composition du dossier de demande d’autorisation environnementale pour les carrières et les installations de stockage de déchets résultant de leur exploitation. Il entre immédiatement en vigueur, à l’exception de l’obligation de joindre le plan de gestion des déchets au dossier de demande d’autorisation des installations minières qui s’applique, quant à elle, à compter du 1er juillet 2018.
La mise en conformité est également assurée par un arrêté ministériel relatif aux déchets de mines et de carrières. Il traite également de l’impact de ces déchets sur les sols, du contenu du plan de gestion des déchets, du rapport de surveillance mais aussi de la politique de prévention des accidents majeurs. Ce texte modifie l’arrêté du 22 septembre 2014 relatif aux exploitations de carrières et celui du 19 avril 2010 relatif à la gestion des déchets des industries extractives.
https://www.actu-environnement.com/ae/news/dechets-mines-carrieres-ICPE-impacts-sols-plan-gestion-dossier-autorisation-plan-surveillance-28872.php4