Grève de la faim pour la Palestine

Grève de la faim pour la Palestine

Des soignantes & soignants, notamment de retour de Gaza, on entamé une grève de la faim un peu partout en Europe et ici en France. Quatre Travailleurs-euses ont démarré ce  » jeûne » le 31 mars à Marseille…

Aujourd’hui, ils et elle sont plus d’une vingtaine dans l’hexagone avoir pris leur courage à deux mains pour dire stop au génocide en cours ! Pour réclamer auprès des dirigeants politiques qu’ils et qu’elles prennent leur responsabilités de démocrates, de républicain-es, face à la barbarie, qu’elles e& qu’il fassent le forcing pour que cesse ce crime de tout un peuple !

Une vingtaine de gréviste ont été reçu au sénat (https://europalestine.com/2025/04/28/110454) il y a une quinzaine de jours.

Dans le cadre de notre festival du film engagé, édition 2024, nous projetions Défamation, un documentaire du réalisateur Israélien Yoav Shamir. A cette occasion et comme à l’accoutumée, un échange se tient sur le film et, ou sur son sujet après la projection. Et ce fut avec grand plaisir que nous recevions notre ami et camarade Georges Yoram Féderman, militant membre de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP). Qui en fait, pour raison de santé n’a pu se déplacer de Strasbourg, à échangé en visioconférence avec une salle comble le 23 novembre dernier.

Si nous le citons dans cette nouvelle c’est que notre frère Georges, psychiatre de son Etat, ont avec Leila Sihabi, militante à Strasbourg Palestine également entamé, une grève de la faim à la mi-avril. 

Nous reprenons ici leur interview faite pour le journal L’Humanité (https://www.humanite.fr/politique/gaza/ca-fait-18-mois-quon-manifeste-et-que-nous-ne-sommes-pas-entendus-a-strasbourg-une-greve-de-la-faim-pour-gaza).

Issue d’une famille d’origine algérienne et marocaine, Leila Sihabi, aujourd’hui âgée de 41 ans, dit avoir été sensibilisée à la cause palestinienne quand elle était jeune, grâce à son père, militant antiraciste et anticolonial.  Juif engagé pour la cause palestinienne, le psychiatre Georges Yoram Federmann, 70 ans, est également impliqué de longue date dans le soutien aux migrants, et contre toutes les formes de discriminations vis-à-vis des minorités. Les deux ont entamé une grève de la faim pour la Palestine.

Quel a été l’élément déclencheur qui vous a décidé à entreprendre une grève de la faim pour la Palestine ?

Leila Sihabi : J’ai répondu à l’appel du Dr Pascal André. Nous étions le lendemain du Ramadan, où les Palestiniens ont été bombardés en pleine fête, je me suis dit qu’il fallait y aller. Avec le collectif Strasbourg-Palestine, dont je fais partie, ça fait 18 mois qu’on manifeste et que nous ne sommes pas entendus, que ce soit localement au niveau national. C’est la colère et le désespoir qui m’ont poussé à m’engager dans cette grève.

Georges Federmann : C’est la confiance totale en Pascal André, l’initiateur de ce mouvement de grève de la faim, qui m’amené à m’engager. C’est un camarade de lutte depuis un peu plus d’un an, nous l’avons reçu plusieurs fois à Strasbourg. Il a pris beaucoup d’initiatives originales pour interpeller le grand public au-delà des militants. Pascal André a fait un séjour à Gaza en tant qu’urgentiste.

Quand il a pris cette initiative, je me suis dit, en tant que soignant : ça touche au corps. A priori, le rapport à la Palestine, c’est abstrait. Et cette abstraction, c’est lié au fait qu’on n’a pas digéré la décolonisation et que les représentations dominantes – par l’intermédiaire de l’école, de la télévision, des médias – continuent à considérer les Arabes comme des mineurs. On n’arrive pas à digérer le fait qu’ils soient autonomes, évidemment.

Tous les gens de la communauté juive que j’aperçois à Strasbourg sont persuadés que les pays arabes ne peuvent pas s’autodéterminer. On en est encore à la crise de Suez, d’une certaine manière. Et c’est très intéressant du point de vue de l’immaturité politique générale. On en est restés à 1956, sinon à 1947.

Mon engagement personnel est modeste. On ne peut pas s’autoflageller pour subir la souffrance de nos frères et de nos sœurs là-bas, mais on peut peut-être faire l’expérience de quelque chose qui va nous manquer, et être solidaires avec eux. Et symboliquement, la grève de la faim, c’est très fort, cela renvoie à une tradition de lutte non violente.

Est-ce que les gens sont sensibles à votre démarche ?

Leila Sihabi : Samedi dernier, après la manifestation de solidarité avec la Palestine à Strasbourg, j’ai senti que notre démarche et celle de tous les autres citoyens qui ont décidé d’entamer cette grève de la faim, suscitent beaucoup de réactions, positives ou négatives. C’est ce qu’on voulait. Les gens se disent que s’il y a des personnes qui sont prêtes à arrêter de s’alimenter. C’est pour les secouer, eux, et le gouvernement surtout, pour lui demander de faire quelque chose. Il y a aussi des gens qui disent que ça ne sert à rien. Quand on n’est pas sensible à des bébés qui meurent, alors on l’est encore moins à des personnes qui font des grèves de la faim.

Georges Federmann : Contrairement à une manifestation dans la rue, où on suit le mouvement comme un seul homme ou une seule femme, là chacun est renvoyé à lui-même. Les gens se disent : est-ce que celui qui fait la grève de la faim prend des risques, qu’est ce qui change dans sa tête quand il ne mange pas ? Et quelle est la fonction du repas et de l’alimentation selon qu’on mange seul ou en famille ? Est-ce que c’est un signe de communautarisation ou un signe d’isolement ?

La grève de la faim est vraiment un défi anthropologique, sociologique et politique. C’est un type d’action qu’il faudrait conseiller beaucoup plus souvent comme outil de paix. Je trouve que c’est un levier formidable, et une forme de respect parce qu’on n’appelle pas à tuer, à s’armer, à faire tomber tel ou tel gouvernement. On en appelle à soi-même, à sa responsabilité individuelle.

Vous militez tous les deux depuis de nombreuses années pour la cause palestinienne. Qu’est-ce qui caractérise selon vous l’état de l’opinion en France à propos de ce qui se passe aujourd’hui à Gaza et en Cisjordanie ?

Leila Sihabi : La parole des Palestiniens qui souffrent est totalement invisibilisée et écrasée. Dans les manifestations que j’ai connues il y a 10 ans à Strasbourg, nous étions des milliers, nous arrivions à mobiliser énormément de monde. Les gens étaient touchés par la situation à Gaza, et à l’époque il y avait beaucoup moins de morts que maintenant. Aujourd’hui, on parle de plus de 50 000 Palestiniens tués, et les gens ne sont plus aussi sensibles. J’ai essayé de comprendre pourquoi. Je parle avec d’autres militants dans d’autres villes, il y a beaucoup moins de monde dans les manifestations dans toute la France.

Le climat répressif depuis les gilets jaunes a dissuadé les gens de sortir dans les rues. Il y a aussi l’islamophobie institutionnelle, cet acharnement médiatico-politique contre la population musulmane de France, qui a dissuadé beaucoup de personnes. J’ai pu échanger avec des membres et des acteurs de la communauté musulmane, c’est une crainte qui est réelle, celle d’être perquisitionné, d’être accusé d’apologie du terrorisme, d’expulsion, etc.

Beaucoup de gens ont peur, c’est une réalité. J’avais organisé il y a quelques semaines un petit rassemblement après 18 heures, il faisait nuit, nous n’étions pas nombreux. Des dames voilées étaient venues, elles ont vu une patrouille de police, elles sont parties. J’ai senti leur peur.

Comment situez-vous votre action dans le contexte mondial actuel ?

Georges Federmann : L’État d’Israël ne va pas se relever de ce crime. Il va le porter sur plusieurs générations, symboliquement. Côté palestinien, la révolte est légitime. Ce n’est pas étonnant s’il y a un contrecoup sur plusieurs générations, on ne peut pas s’attendre à autre chose. La grève de la faim c’est une forme de complémentarité. Ce que je veux, à ma petite échelle, c’est agir pour éviter un génocide encore plus grand. Cela veut dire qu’il faut reconnaître la Palestine, décréter un cessez-le-feu immédiat, la libération des otages des deux côtés, et aussi aider à porter la paix des deux côtés.

Quelles sont les limites que vous vous fixez dans votre grève de la faim ?

Leila Sihabi : Dès le départ, je me suis dit que dès que je commencerai à ressentir des problèmes au niveau de ma santé, j’arrêterai. Je suis maman de deux enfants, et je suis très à l’écoute de mon corps. Il faut faire un distinguo entre grève de la faim et jeûne solidaire. Grève de la faim, c’est à durée indéterminée, le jeûne solidaire, c’est à durée déterminée. C’est vrai que je suis curieuse d’expérimenter les limites de mon corps et de savoir si je peux les dépasser. Cette expérience me permet aussi de ressentir ce que vivent les Palestiniens qui sont privés de nourriture.

Moi j’ai au moins la chance de pouvoir boire des tisanes, eux n’ont pas d’eau potable, ils sont privés de nourriture et de soins, en plus des bombardements quotidiens et des drones. Mais mon combat ne va pas s’arrêter avec la grève de la faim. Je continuerai à militer pour la cause palestinienne selon les autres formes de militantisme que je pratique depuis longtemps.

les grévistes de la faim devant le Sénat à Paris à la mi-avril /Photo du site EuroPalestine

A TET, lors du festival du film engagé que nous tenons fin novembre depuis 11 années, la Palestine est régulièrement présentée au public ; il va sans dire qu’aucune écologie ne peut tenir la route dans un monde ou sévit les guerres, des conflits qui ne servent que les intérêts d’une minorité au détriment de tous et de toutes.

Notre association est aux cotés de notre camarade & ami Georges, de Leila, de toutes & de tous les grévistes de la faim, pour la paix, pour un Etat au Proche-Orient unic et démocratique, quel que soit la confession, ou l’ethnie, pour la Paix en Ukraine, au Congo, en Birmanie, en Haïti et dans n’importe quel lieu du monde.

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